Edgar Morin
Sociologue et philosophe
Texte paru dans Le Monde, 22 janvier 2024 et reproduit avec l’autorisation de l’auteur
English translation by Placide Ngendahayo – Arabic translation by Samia Erraji and Ibitihal Elbanouri
Multiplication des guerres, réchauffement climatique, essor des régimes autoritaires : le monde court au désastre, mais il nous faut résister à la haine, estime le sociologue et philosophe.
S’il est minuit dans le siècle : lorsque Victor Serge a publié le livre qui porte ce titre, en 1939, année du pacte germano-soviétique et du dépeçage de la Pologne, il était effectivement minuit et une nuit irrévocable allait s’épaissir et se prolonger pendant cinq ans.
N’est-il pas minuit dans notre siècle ? Deux guerres sont en cours. Celle d’Ukraine a déjà mobilisé l’aide économique et militaire d’une partie du monde, avec une radicalisation et un risque d’élargissement du conflit. La Russie n’est pas parvenue à annexer l’Ukraine, mais elle se maintient dans les régions antérieurement séparatistes russophones. Le blocus l’a partiellement affaiblie, mais il a aussi stimulé son développement scientifique et technique, notamment dans le domaine militaire. Cette guerre a déjà des conséquences considérables : l’autonomisation diversement avancée du Sud par rapport à l’Occident et le resserrement d’un bloc Russie-Chine.
Un nouveau foyer de guerre s’est allumé au Proche-Orient après le massacre commis par le Hamas le 7 octobre 2023, suivi par les bombardements meurtriers d’Israël sur Gaza. Ces carnages, accompagnés de persécutions en Cisjordanie et de déclarations annexionnistes, ont réveillé la question palestinienne endormie. Ils ont montré à la fois l’urgence, la nécessité et l’impossibilité d’une décolonisation de ce qui reste de la Palestine arabe et de la création d’un Etat palestinien.
Comme nulle pression n’est, ni ne sera, exercée sur Israël pour arriver à une solution à deux pays, on ne peut prévoir qu’une aggravation, voire un élargissement de ce terrible conflit. C’est une leçon tragique de l’histoire : les descendants d’un peuple persécuté pendant des siècles par l’Occident chrétien, puis raciste, peuvent devenir à la fois les persécuteurs et le bastion avancé de l’Occident dans le monde arabe.
La pensée est devenue aveugle
Ces guerres aggravent la conjonction de crises qui frappent les nations, entretenues par l’antagonisme virulent entre trois empires : les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Les crises s’entretiennent les unes les autres dans une sorte de polycrise écologique, économique, politique, sociale, civilisationnelle qui va s’amplifiant.
La dégradation écologique affecte les sociétés humaines par leurs pollutions urbaines et rurales, aggravées par l’agriculture industrielle. L’hégémonie d’un profit incontrôlé (cause majeure de la crise écologique) accroît les inégalités dans chaque nation et sur toute la planète. Les qualités de notre civilisation se sont dégradées et ses carences se sont accrues, notamment dans le développement des égoïsmes et la disparition des solidarités traditionnelles.
La démocratie est en crise sur tous les continents : elle se voit de plus en plus remplacée par des régimes autoritaires, qui, en disposant des moyens de contrôle informatique sur les populations et les individus, tendent à former des sociétés de soumission qu’on pourrait appeler néototalitaires. La mondialisation n’a créé aucune solidarité et les Nations unies sont de plus en plus désunies.
Cette situation paradoxale s’insère dans un paradoxe global propre à l’humanité. Le progrès scientifique technique qui se développe de façon prodigieuse dans tous les domaines est la cause des pires régressions de notre siècle. C’est lui qui a permis l’organisation scientifique du camp d’extermination d’Auschwitz ; c’est lui qui a permis la conception et la fabrication des armes les plus destructrices, jusqu’à la première bombe atomique ; c’est lui qui rend les guerres de plus en plus meurtrières ; c’est lui qui, animé par la soif du profit, a créé la crise écologique de la planète.
Notons – ce qui est difficile à concevoir – que le progrès des connaissances, en les multipliant et en les séparant par des barrières disciplinaires, a suscité une régression de la pensée, devenue aveugle. Lié à une domination du calcul dans un monde de plus en plus technocratique, le progrès des connaissances est incapable de concevoir la complexité du réel et notamment des réalités humaines. Ce qui entraîne un retour des dogmatismes et des fanatismes, ainsi qu’une crise de la moralité dans le déferlement des haines et des idolâtries.
L’absence d’espoir
Nous allons vers de probables catastrophes. Est-ce du catastrophisme ? Ce mot exorcise le mal et donne une sérénité illusoire. La polycrise que nous vivons sur toute la planète est une crise anthropologique : c’est la crise de l’humanité qui n’arrive pas à devenir Humanité.
Il fut un temps – pas si lointain – où l’on pouvait envisager un changement de voie. Il semble que ce soit trop tard. Certes, l’improbable et surtout l’imprévu peuvent advenir. Nous ne savons pas si la situation mondiale est seulement désespérante ou vraiment désespérée. Cela signifie qu’il faut, avec ou sans espérance, avec ou sans désespérance, passer à la Résistance. Le mot évoque irrésistiblement la résistance des années d’occupation (1940-1945), dont les débuts, du reste très modestes, furent rendus difficiles par l’absence d’un espoir prévisible après la défaite de 1940.
L’absence d’espoir prévisible est semblable de nos jours, mais les conditions sont différentes. Nous ne sommes pas actuellement sous une occupation militaire ennemie : nous sommes dominés par de formidables puissances politiques et économiques et menacés par l’instauration d’une société de soumission. Nous sommes condamnés à subir la lutte entre deux géants impérialistes et l’éventuelle irruption guerrière du troisième. Nous sommes entraînés dans une course vers le désastre.
Fraternité, vie et amour
La première et fondamentale résistance est celle de l’esprit. Elle nécessite de résister à l’intimidation de tout mensonge asséné comme vérité, à la contagion de toute ivresse collective. Elle nécessite de ne jamais céder au délire de la responsabilité collective d’un peuple ou d’une ethnie. Elle exige de résister à la haine et au mépris. Elle prescrit le souci de comprendre la complexité des problèmes et des phénomènes plutôt que de céder à une vision partielle ou unilatérale. Elle requiert la recherche, la vérification des informations et l’acceptation des incertitudes.
La résistance comporterait aussi la sauvegarde ou la création d’oasis de communautés dotées d’autonomie relative (agroécologique) et de réseaux d’économie sociale et solidaire. La résistance supposerait aussi la coordination des associations vouées aux solidarités et au refus des haines. La résistance préparerait les jeunes générations à penser et à agir pour les forces d’union de fraternité, de vie et d’amour que nous pouvons concevoir sous le nom d’Eros, contre les forces de dislocation, de désintégration, de conflit et de mort que nous pouvons concevoir sous les noms de Polemos et Thanatos.
C’est l’union, au sein de nos êtres, des puissances de l’Eros et de celles de l’esprit éveillé et responsable qui nourrira notre résistance aux asservissements, aux ignominies et aux mensonges. Les tunnels ne sont pas interminables, le probable n’est pas le certain, l’inattendu est toujours possible.
Edgar Morin
_________________________________
Progress in knowledge has led to a decline in thinking
Edgar Morin
Sociologist and Philosopher
The increase in wars, global warming, and the rise of authoritarian regimes indicate that the world is heading for disaster. Yet, as the sociologist and philosopher emphasized in a column in Le Monde, we must resist hatred.
Text published in Le Monde, January 22, 2024, and reproduced with the authorization of the author.
Translation by Placide Ngendahayo
Midnight in the Century: When Victor Serge published the book bearing this title in 1939, the year of the German-Soviet pact and the carving up of Poland, it was indeed midnight, and an irreversible night would thicken and last for five years.
Is it not midnight in our century? Two wars are underway. Ukraine has already mobilized economic and military aid from various parts of the world, with radicalization and a risk of widening the conflict. Russia has not succeeded in annexing Ukraine, but it remains in the previously separatist Russian-speaking regions. The blockade has partially weakened it but also stimulated its scientific and technical development, particularly in the military field. This war already has considerable consequences: the variously advanced empowerment of the South in relation to the West and the strengthening of a Russia-China bloc.
A new hotbed of war has been lit in the Middle East following the massacre carried out by Hamas on October 7, 2023, and Israel’s subsequent deadly airstrikes on Gaza. These carnages, along with persecutions in the West Bank and declarations of annexation, have reignited the dormant Palestinian question. They have highlighted the urgency, the necessity, and the impossibility of decolonizing what remains of Arab Palestine and establishing a Palestinian state.
As no pressure is, nor will be, exerted on Israel to reach a two-country solution, we can only expect this terrible conflict to worsen or even expand. It is a tragic lesson from history: the descendants of a people persecuted for centuries by the Christian, then racist, West can end up becoming both the persecutors and the vanguard of the West in the Arab world.
Thinking has become blind
These wars aggravate the conjunction of crises affecting nations, fueled by the intense antagonism between three empires: the United States, Russia, and China. These crises feed on each other in an ecological, economic, political, social, and civilizational polycrisis, which is amplifying.
Ecological degradation affects human societies through their urban and rural pollution, which is exacerbated by industrial agriculture. The hegemony of uncontrolled profit (a major cause of the ecological crisis) increases inequalities within every nation and across the planet. Our civilization’s qualities have deteriorated, and its deficiencies have increased, particularly in the development of selfishness and the disappearance of traditional solidarity.
Democracy is in crisis on all continents. It is increasingly being replaced by authoritarian regimes, which, by means of computer control over populations and individuals, tend to form societies of submission that could be described as neo-totalitarian. Globalization has failed to create solidarity, and the United Nations is increasingly disunited.
This paradoxical situation is part of a global paradox specific to humanity. Technical scientific progress, which is developing prodigiously in all areas, is the cause of the worst regressions of our time. It is this progress that has enabled the scientific organization of Auschwitz’s extermination camp; it is this progress that has facilitated the design and manufacture of the most destructive weapons, including the first atomic bomb; it is this progress that makes wars increasingly deadly; and it is this progress that, driven by the thirst for profit, has created the ecological crisis our planet is currently facing.
We should note – although it is difficult to conceive – that the progress of knowledge, by multiplying it and separating it within disciplinary boundaries, has resulted in a decline in thinking, which has become blind. Coupled with the dominance of calculation in an increasingly technocratic world, the progress of knowledge is unable to grasp the complexity of reality, especially human realities. This, in turn, has led to a resurgence of dogmatism and fanaticism, as well as a moral crisis characterized by the rise of hatred and idolatry.
The absence of hope
We are heading towards probable catastrophes. Is this catastrophizing? This term wards off evil and provides a false serenity. The polycrisis we are experiencing across the globe is an anthropological crisis: it is the crisis of humanity unable to become Humanity.
There was a time – not so long ago- when we could have considered a change of direction. It seems to be too late. Of course, the improbable and, more so, the unforeseen can always occur. We do not know whether the global situation is merely desperate or truly hopeless. This means we must, with or without hope, with or without despair, move towards Resistance. The word irresistibly brings to mind the resistance during the years of occupation (1940- 1945), whose beginnings were very modest and were made difficult by the absence of predictable hope following the defeat of 1940.
The lack of predictable hope is similar nowadays, but the conditions differ. We are not under enemy military occupation today: we are dominated by formidable political and economic powers and threatened by the establishment of a society of submission. We are condemned to endure the struggle between two imperialist giants and the potential warlike eruption of the third. We are being dragged on a course toward disaster.
Fraternity, Life, and Love
The first fundamental resistance is that of the mind. It requires resisting the intimidation of any lie asserted as truth and the contagion of any collective intoxication. It requires us never to give in to the delusion of the collective responsibility of a people or an ethnic group. It demands resisting hatred and contempt. It prescribes the concern of understanding the complexity of problems and phenomena rather than giving in to a partial or one-sided vision. It requires research, verification of information, and acceptance of uncertainties.
Resistance would also include protecting or creating oases of communities that have relative autonomy (agroecological) and social and solidarity economy networks. Resistance would also entail coordinating among the associations dedicated to solidarity and the rejection of hatred. Resistance would prepare younger generations to think and act in favor of the forces of union, of fraternity, life, and love, which can be thought of as Eros, and against the forces of dislocation, disintegration, conflict, and death, which can be thought of as Polemos and Thanatos.
It is the union, within our beings, of the powers of Eros and those of the awakened and responsible spirit that will fuel our resistance to enslavement, ignominies, and lies. Tunnels are not endless, the probable is not certain, the unexpected is always possible.
Edgar Morin
_________________________________
أدى التقدم في المعرفة إلى تراجع في الفكر
إدغار موران
عالم اجتماع وفيلسوف
تفاقم الحروب، الاحتباس الحراري، صعود الأنظمة الاستبدادية: العالم يسير نحو كارثة، لكن يجب علينا مقاومة الكراهيَة، وفقًا لعالم الاجتماع والفيلسوف.
نُشر النص في صحيفة “لوموند” في 22 يناير 2024 وأعيد نشره بإذن من المؤلف.
ترجمة: سامية الراجي وابتهال البنوري
عندما نشر فيكتور سيرج كتابه “إذا كانت الساعة منتصف الليل في القرن” عام 1939، العام الذي أُبرم فيه الحلف الألماني السوفيتي وتقسمت فيه بولندا، كانت الساعة فعلاً منتصف الليل في ليلة لا رجعة فيها عميقة استمرت لمدة خمس سنوات.
أليسنا نعيش منتصف ليل القرن الواحد والعشرين؟ هناك حربان جاريتان. لقد استطاعت حرب أوكرانيا بالفعل استقطاب المساعدة الاقتصادية والعسكرية من جزء من العالم، مما أدى إلى تدهور الوضع وزيادة خطر توسع الصراع. لم تتمكن روسيا من ضم أوكرانيا، لكنها ما زالت تحافظ على تواجدها في المناطق الناطقة بالروسية التي كانت انفصالية في السابق. الحصار أضعفها جزئيًا، ولكنه حفز أيضًا تطورها العلمي والتقني، خاصة في المجال العسكري. هذه الحرب لها بالفعل عواقب وخيمة: استقلال الجنوب عن الغرب بدرجات متفاوتة والتقارب المتزايد بين روسيا والصين.
اندلعت بؤرة حرب جديدة في الشرق الأوسط بعد المذبحة التي ارتكبتها حماس في 7 أكتوبر 2023، تلاها القصف المميت لإسرائيل على غزة. هذه المجازر، المصحوبة بالاضطهادات في الضفة الغربية وتصريحات الاستيلاء، أعادت إحياء القضية الفلسطينية المنسية. لقد أظهرت الحاجة الملحة والضرورية لإنهاء استعمار ما تبقى من فلسطين العربية وإنشاء دولة فلسطينية في نفس الوقت استحالة تحقيق هذا المراد.
نظرًا لعدم وجود أي ضغط، ولن يكون هناك أي ضغط، على إسرائيل للوصول إلى حل تأسيس دولتين، لا يمكن توقع سوى تفاقم هذا الصراع الرهيب، وربما حتى توسّعه. إنه درس مأساوي من التاريخ: أحفاد شعب مضطَهَد لعدة قرون من قبل الغرب المسيحي، بعد ذلك عنصري، يمكن أن يصبحوا الان مضطهِدين وحِصنًا متقدمًا للغرب في العالم العربي.
عندما يُعمى الفكر
هذه الحروب تُفاقم الأزمات المترابطة التي تواجه الأمم، تغذيها العداوة الشرسة بين ثلاث إمبراطوريات: الولايات المتحدة، روسيا، والصين. تغذي الأزمات بعضها البعض في نوع من الأزمات المتعددة بيئيا، اقتصاديا، سياسيا، اجتماعيا وحضاريا التي تتزايد بشكل مستمر.
التدهور البيئي يؤثر على المجتمعات البشرية من خلال التلوث الحضري والريفي الذي تفاقم بفعل الزراعة الصناعية. وكذا الهيمنة من أجل الربح غير المراقبة (الذي يعتبر سببا رئيسيا للأزمة البيئية) تزيد من التفاوتات داخل كل بلد وعلى مستوى الكوكب بأسره. تدهورت قيم حضارتنا وزادت نقائصها، خصوصًا فيما يتعلق بتفاقم التفكير الأناني واختفاء التضامن المنبثق من تقاليدنا.
الديمقراطية في أزمة في جميع القارات: يتم استبدالها بشكل متزايد بأنظمة استبدادية، التي تستخدم وسائل التحكم المعلوماتي على السكان والأفراد، مما يؤدي إلى تشكيل مجتمعات خاضعة يمكن أن نسميها “شبه شمولية”. لم تخلق العولمة أي شكل من اشكال التضامن، والأمم المتحدة أصبحت أكثر تفرقًا.
هذا الوضع المتناقض يندرج ضمن تناقض عالمي خاص بالإنسانية. التقدم العلمي والتقني، الذي يتطور بشكل مدهش في جميع المجالات، سبب لأسوأ التراجعات في هذا القرن. تطور سمح بالتنظيم العلمي لمعسكر الإبادة في أوشفيتز؛ سهل تصميم وصنع أسلحة الدمار الشامل، حتى القنبلة الذرية الأولى؛ يجعل الحروب أكثر دموية؛ تطور، بدافع الرغبة في الربح، أحدث أزمة بيئية عالمية.
نلاحظ – وهو أمر يصعب تصوره – أن تقدم المعرفة، من خلال تضاعف مجالاتها وفصل تخصصاتها، أدى إلى تراجع الفكر الذي أصبح ضريرا. إن تقدم المعرفة غير قادر على تصور تعقيد الواقع، بما في ذلك واقع الإنسان وذلك مرتبط بسيطرة الحساب في عالم تتزايد فيه التكنوقراطية. وهذا ما يؤدي إلى عودة الجمود العقائدي والتعصبات الدينية، بالإضافة إلى أزمة في الأخلاق في ظل انتشار الكراهية والمعتقدات الباطلة.
غياب الأمل
نحن نتجه نحو كوارث محتملة. هل هي كارثية؟ هذه الكلمة تطرد الشر وتعطي صفاء وهميا. إن تعدد الأزمات الذي نعيشه على الكوكب هو أزمة أنثروبولوجية: إنها أزمة الإنسانية التي لا يمكن أن تصبح إنسانية.
كان هناك وقت – ليس بعيدًا – حيث يمكنك التفكير في تغيير المسار. يبدو أنه قد فات الأوان. من المسلم به، أن غير المحتمل وخاصة غير المتوقع قد يحدث. لا نعرف ما إذا كان الوضع العالمي يائسًا فقط أو يائسا حقًا. هذا يعني أنه من الضروري، مع أو بدون أمل، مع أو بدون يأس، الانتقال إلى المقاومة. تثير الكلمة بشكل لا يقاوم مقاومة سنوات الاحتلال (1940-1945)، التي كانت بداياتها صعبة بسبب عدم وجود أمل يمكن التنبؤ به بعد هزيمة عام 1940.
إن الافتقار إلى الأمل المتوقع متشابه اليوم، لكن الظروف مختلفة. نحن لسنا حاليًا تحت احتلال عسكري للعدو: نحن تحت هيمنة قوى سياسية واقتصادية هائلة ومهددون بتأسيس مجتمع خضوع. نحن مجبرون للخضوع لصراع بين عمالقة الإمبريالية والاندلاع المحتمل للحرب العالمية الثالثة. نحن في سباق نحو كارثة.
أخوة، حياة وحب
المقاومة الأولى والأساسية هي مقاومة العقل. إنها تتطلب مقاومة ترهيب أي كذبة يتم تقديمها على أنها حقيقة، وعدوى أي تسمم جماعي. تتطلب عدم الخضوع أبدًا إلى هذيان المسؤولية الجماعية لشعب أو مجموعة عرقية. تتطلب مقاومة الكراهية والازدراء. إنها تصف قلق فهم تعقيد المشكلات والظواهر بدلاً من الاعتماد على رؤية جزئية أو من جانب واحد. تتطلب البحث والتحقق من المعلومات وقبول الشكوك.
وستشمل المقاومة أيضًا حماية أو إنشاء واحات من المجتمعات المكتفية ذاتيًا نسبيًا (زراعية-إيكولوجية) وشبكات الاقتصاد الاجتماعي. وستشمل المقاومة أيضًا تنسيق الجمعيات المكرسة للتضامن ونبذ الكراهية. المقاومة من شأنها أن تهيئ الأجيال الشابة للتفكير والعمل من أجل قوى الاتحاد والأخوة والحياة والحب التي يمكن أن نتصورها تحت اسم “إيروس”، ضد قوى الخلع والتفكك والصراع والموت التي يمكن أن نتصورها على أنها” بوليموس” و” ثاناتوس”.
إن اتحاد قوى “إيروس” وقوى الروح المستيقظة والمسؤولة في كياننا هو الذي سيغذي مقاومتنا للاستعباد والجهل والأكاذيب. فالأنفاق ليست بلا نهاية، والمحتمل ليس هو المؤكد، واللا متوقع هو دائما ممكن.
إدغار مورين